Habitats naturels / fonctions écologiques

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Progressivement formée au cours du XXe siècle, la Belle Henriette est l’une des dernières véritables lagunes de la côte atlantique. En 2014, elle s’est naturellement reconnectée à l’océan et évolue désormais au gré des influences marines.

Loin d’être une régression sur le plan écologique, cette reconnexion s’accompagne d’habitats naturels rares et de paysages uniques entre terre et mer. Cette renaissance confère à la lagune une richesse et des fonctions écologiques d’intérêt national et européen.

Ni tout à fait terrestres et pas vraiment marins, tantôt à l’air libre, tantôt recouverts par l’océan, les prés salés paraissent silencieux et déserts. Pourtant il n’en est rien, à mare basse, de nombreux oiseaux et insectes s’affairent en toute discrétion. Et quelques heures plus tard, à l’occasion de la marée haute, mollusques, vers et crustacés s’activent sous l’eau. Ainsi, les prés salés font partie des écosystèmes les plus productifs au monde et cette très forte productivité, notamment en phyto et zooplancton, les place à la base de chaînes alimentaires océaniques.

Pour ce qui est des insectes, ce n’est évidemment pas le type de milieu dans lequel on pourrait s’attendre à les trouver. Et pourtant, quelques espèces très spécialisées y vivent comme par exemple le rare Criquet des salines. L’espèce a développé de telles capacités face aux contraintes du milieu qu’il lui est possible de rester immergée plusieurs heures sous l’eau salée à marée haute ! Quelques chenilles de micro-lépidoptères sont aussi connues pour se développer sur différents végétaux du pré salé. Et l’une d’entre elles, qui vit sur les salicornes, va passer la dernière partie de sa croissance dans un terrier garni de soies creusé dans la vase, celle-ci étant bien sûr recouverte par la marée haute deux fois par jour…

Les prés salés sont des espaces bien connus pour la fraie, l’alimentation et la croissance des poissons marins. En effet, les alevins profitent de l’extraordinaire productivité des prés salés de la lagune pour se développer. Les jeunes des espèces planctonivores comme les mulets ou les athérines feront ensuite le régal de prédateurs tels que les bars.

Pour les oiseaux, les mizottes (nom local du pré salé) de la Belle Henriette sont également très attractives. C’est par exemple une zone d’alimentation pour de nombreuses espèces : l’Aigrette garzette ou le Héron cendré y sont ainsi réguliers dans les chenaux. En période d’hivernage, le Tadorne de Belon ou la Bernache cravant s’y alimentent également, l’un de petits mollusques, l’autre d’algues. De nombreux petits échassiers comme les bécasseaux, courlis, et autres Tournepierre à collier l’utilisent enfin comme zone de reposoir (marée haute) ou d’alimentation (marée basse). En période de reproduction, la végétation des parties les plus hautes, moins soumises aux marées, accueille les nids de plusieurs petits passereaux. Si la Gorgebleue à miroir est sans conteste l’espèce la plus représentative, d’autres comme le Bruant des roseaux ou la Bergeronnette printanière profitent également de la richesse du milieu en invertébrés pour élever leurs nichées.

Enfin, même les mammifères utilisent les prés salés de la réserve naturelle. Les empreintes relevées ici et là ne laissent guère planer de doute. De par leurs mœurs nocturnes, il est difficile d’être certain de l’utilisation qu’ils en font mais leur présence attestée laisse supposer qu’à marée basse, sangliers et renards y trouvent suffisamment de ressources pour s’alimenter. Quant au chevreuil, la quiétude de la réserve et de ses prés salés à certaines périodes de l’année lui offre des zones où passer la journée en toute tranquillité…

En haut à gauche : Oedipode des salines (Dollé) – En haut à droite : Bernache cravant (J. Bouclot)  – En bas à gauche : Gorge bleue à miroir blanc de Nantes (Dia)-  En bas à droite : Tourne pierre à collier (Lamberti) .

Au départ, il y a un siècle, la lagune n’existait pas et l’océan venait au pied des digues depuis le casino à la Faute sur Mer jusqu’à l’anse des Rouillères à la Tranche sur Mer. Les systèmes dunaires qui ont permis sa formation (voir page sur la naissance et l’évolution de la Belle Henriette) se sont développés lentement et progressivement. D’abord par des bancs de sables puis de la dune embryonnaire, de la dune vive se transformant elle-même en dune grise.

Par nature, les systèmes dunaires sont mobiles, le sable se déplace via l’action des courants et des vagues qui en amène et en reprend en fonction des saisons et de la météo, mais aussi par celle du vent qui emporte la sable de la plage et le saupoudre sur les dunes. C’est ainsi que grain après grain, les dunes se transforment ici en hauteur, là en largeur ou en longueur.
Lorsque l’on parle de système dunaire, on évoque l’ensemble des habitats naturels dunaires qui le compose. Ces habitats qui en théorie se succèdent depuis la plage vers la dune boisée sont en réalité, et en particulier sur la Belle Henriette, souvent entremêlés et interconnectés sur le plan floristique et faunistique.

De façon simplifiée et du plus proche de la mer au plus éloigné, on trouve :

  • le banc de sable ou la plage ;
  • le haut de plage et sa laisse de mer ;
  • la dune embryonnaire ;
  • la dune mobile (composée de la dune vive et semi-fixée) ;
  • la dune fixée (ou grise) ;
  • la dune boisée.

Régulièrement remodelé par le vent et les marées, le système dunaire de la Belle Henriette est particulièrement évolutif. De nombreuses espèces faunistiques ou floristiques sont pourtant adaptées à ces évolutions et aux conditions difficiles (sel, vent, sécheresse, apports de sables…).

Malgré toutes les contraintes et les dangers, le discret Gravelot à collier interrompu dépose ses 3 œufs directement sur le sable du haut de plage ou de la dune embryonnaire. La couvaison est donc compliquée car en plus de conditions naturelles difficiles, les dérangements dus à la circulation hors sentier ou aux chiens non tenus en laisse lui sont souvent fatals. La Belle Henriette accueille l’une des plus importantes populations des Pays de la Loire. A la recherche de milieux ouverts et secs, le Pipit rousseline installe quant à lui son nid dans la dune mobile. Il se nourrit au sol et utilise les buissons ou les piquets de ganivelles comme perchoirs. La Belle-Henriette accueille plusieurs couples de ce passereau rare emblématique des milieux dunaires. Et dernier exemple de l’avifaune des dunes de la réserve, le Hibou des marais se reproduit surtout dans le nord et l’est de l’Europe mais vient passer la mauvaise saison plus au sud. Ainsi, chaque hiver, plusieurs dizaines d’oiseaux peuvent fréquenter la Belle Henriette dont les dunes offrent suffisamment de ressources alimentaires et de tranquillité.

Bien que cela puisse paraitre étonnant pour les néophytes, les dunes de la réserve permettent à différents amphibiens comme le Crapaud calamite, le Pélodyte ponctué ou encore à la Rainette méridionale d’assurer leur alimentation et leur reproduction. Parmi eux, le Pélobate cultripède, un des amphibiens les plus menacés d’Europe, s’enfouit dans le sable en journée et sort se nourrir la nuit sur la plage ou la dune vive. Il se reproduit dans les mares dunaires le plus souvent situées dans les dunes grises ou boisées. La réserve est l’un de ses derniers bastions sur la façade atlantique !

Autant que les oiseaux ou les amphibiens, les insectes, très discrets, sont également très présents dans les systèmes dunaires. D’ailleurs, certaines espèces d’insectes, dites caractéristiques des sables littoraux, ne se rencontrent que sur les systèmes dunaires (80% des espèces d’insectes de la plage ou encore 37% de ceux de la dune grise). Parmi ces espèces, la réserve accueille par exemple le méconnu Forficule des sables ou la rare Cicindèle des estrans. Cette dernière chasse sur le sable humecté par l’océan à chaque marée et se déplace alors avec une extrême rapidité pour capturer ses proies. Du fait de l’absence totale de nettoyage mécanique des plages, la réserve abrite l’une des dernières populations de tout le littoral atlantique.

Enfin, les populations de la flore patrimoniale présente sur la réserve de la Belle Henriette lui confèrent un rôle crucial dans la conservation régionale des taxons liés au système dunaire. Vingt-deux espèces, soit la moitié de toutes les espèces patrimoniales (rares et protégées) de la réserve, se trouvent sur les milieux dunaires. Si avec huit espèces, la dune boisée apparait comme ayant la plus grande diversité d’espèces patrimoniales présentes, c’est en revanche la dune mobile qui concentre le plus grand nombre de stations et de pieds d’Œillet des dunes, de Luzerne marine, Silène de Thore ou autre Panicaut maritime.

En haut à gauche : Hibou des marais (Sanchez) – En haut à droite : Pipit rousseline (Rydwski) – En bas à gauche : Luzerne maritime (Hobern) – En bas à droite : reproduction de la Cicindèle des estrans (Almeida).